Au milieu des livres d'enfants, il brasse le vent avec ses mains. David Fournol, libraire, dirige Oscar Hibou rue Huguerie, depuis six ans. Il y travaille depuis vingt ans. Mardi soir, il était invité par un collectif de professionnels du livre à une soirée de soutien, destinée à défendre sa librairie, au-jourd'hui lourdement menacée. Rendez-vous donné au Petit Chaperon Rouge, avenue Thiers, une autre librairie indépendante. Et a priori concurrente...
La voix étranglée par l'émotion, David Fournol expose sans pudeur l'urgence de la situation, le bilan comptable, la trésorerie en panne et la fin programmée d'Oscar Hibou après vingt-six ans d'existence. Face à lui, une quarantaine de personnes solidaires sont venues spontanément, pour tenter un sauvetage. Ils sont auteurs de BD, bibliothécaires, éditeurs, libraires. Oscar Hibou est spécialisé dans le livre jeunesse et la BD.
Tenir la distance.
« Chez moi, on trouve des ouvrages originaux qui ne sont pas forcément présentés ailleurs. On a de l'expérience, on conseille, commence David Fournol. Il y a deux ans, ma banque m'a fait savoir du jour au lendemain qu'elle n'acceptait plus de découvert. Depuis je m'enfonce. J'ai une particularité : je travaille avec des institutions, bibliothèques et mairies qui assurent les trois quarts de mon chiffre d'affaires. À partir d'une sélection que je leur soumets, ils passent des commandes régulières. Mais entre la commande, la livraison et le paiement, il peut y avoir jusqu'à trois mois de décalage. J'ai besoin de trésorerie pour tenir la distance. Depuis que mon partenaire banquier m'a lâché, je suis coincé. Aujourd'hui, ça urge. J'ai des impayés, je ne reçois plus de livres depuis cet été. Si aucune solution n'est trouvée, dans un ou deux mois, il faudra fermer. »
Si les bibliothèques poursuivent encore leurs commandes, les clients individuels achètent toujours des livres, le déficit se creuse de jour en jour. La librairie est aujourd'hui le commerce de proximité le moins rentable et les banques le savent. David Fournol, depuis des mois, l'apprend à ses dépens. « Lorsque j'arrive avec mon dossier dans une banque et que je me présente comme libraire, on me ferme la porte. Le livre est régi par la loi, son prix est imposé et les marges très faibles. »
D'autre part, la concurrence avec les grosses structures Fnac, Virgin, Mollat étouffe les petites librairies indépendantes qui s'éteignent les unes après les autres.
Il y a quelques mois, pour des raisons similaires, Bédélire, une institution de la BD à Bordeaux, a été contrainte de tirer le rideau. Oscar Hibou pourrait suivre. Les professionnels soudés autour de David Fournol ne veulent pas céder. Mardi soir, les propositions ont fusé. Une pétition a été rédigée sur le thème « Il faut sauver Oscar Hibou » qui va circuler dans le milieu de l'édition et du livre. Les auteurs de bande dessinée présents ont décidé de vendre des planches originales afin de rassembler des fonds pour permettre à la librairie de tenir. Les autres ont lancé un projet de rachat de la librairie, de recapitalisation.
Envie de se battre.
Du coup David Fournol et son équipe sont sortis de la réunion requinqués.
« Cette mobilisation a été extérieure, ce sont les amis, les gens avec qui je travaille depuis vingt ans qui ont lancé ce collectif de soutien. J'ai failli pleurer. C'est ma plus belle journée de libraire, cet élan de solidarité me bouleverse. Et du coup, j'ai envie de me battre. Je vais très vite rencontrer mon comptable et élaborer avec lui un plan de sauvetage, à partir de toutes ces propositions. Voir si c'est possible. La librairie ne va pas si mal, on a des commandes, on a la pêche, mais on manque de trésorerie et on a des dettes. Il me suffit d'être à nouveau en positif pendant cinq à six mois et on est sauvé. » Auteur : SudOuest, Isabelle Castéra
Nous nous faisons donc l'écho de ce combat que mène ce libraire indépendant (difficultés que d'autres également doivent connaître) et nous vous invitons à renvoyer par mail votre soutien sous forme d'une pétition pouroscarhibou@gmail.com (il suffit d'indiquer votre nom, ville et profession).